Considérez vous qu'un écrivain en auto-édition est entrepreneur ?

Je suis passionné par le changement de paradigme qui est en train de de s’opérer dans le monde l’édition.
Le bras de fer entre les maisons d’édition et Amazon est pour moi un tournant sur ce marché.
Est ce que les maisons d’édition disparaîtrons (désintermédiation). Mon avis est que non, mais cela va restructurer ce marché. Je pense aussi que le marché des livres physiques pour enfants à moins de risque de passer en version numérique (les liseuses n’affichent pas les couleurs). Par contre celui des adultes, oui beaucoup plus.

Le statut d’auto éditeur reste très flou dans la législation française, et toujours à mon avis peu d’entre eux ouvrent un statut d’auto-entrepreneur. Je ne suis pas certain que beaucoup d’auto éditeurs déclarent leurs revenus.
un petit lien intéressant d’une étude de la plateforme smashwords traduit en français:
http://www.quelqueslignes.com/2013/07/04/5-caracteristiques-des-livres-qui-se-vendent-mieux-selon-smashwords/#comment-2518

Pensez vous que:
Le numérique va désacraliser les livres pour les nouvelles générations et qu’ils vont devenir des MP3?
Le numérique va donner le goût de la lecture au génération à venir?
L’auto-édition va diminuer la qualité des livres, plus de fautes d’orthographes etc?
l’auto-éditeur est un entrepreneur?

Pour ou contre les DRM?
A combien estimeriez vous juste, en tant que consommateur, le prix d’un livre numérique VS un livre papier?

Ps: êtes vous plus papier, liseuse, ou les deux, pourquoi?

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Bonjour Kent,
ça c’est du lancement de sujet!
Je ne pense pas que l’on consomme, pour l’instant du moins les livres comme les MP3. Lire demande une concentration que l’on a perdu sur la musique. Je vois mes potes qui ont une quarantaine d’années et qui se saignaient aux 4 veines pour acheter un album, ils connaissent les chansons par coeur. Ceux qui sont plus vers la vingtaine et qui ont eu l’accès facile à la musique connaissent plus de groupes mais moins bien… tant que la lecture demandera de la concentration, elle ne deviendra pas comme les MP3.
Pour ce qui est de l’auteur entrepreneur, je ne sais pas, si c’est un livre de fiction, je le classerai plus dans l’artiste, si c’est un livre pro, je le classerai dans l’entrepreneur car il y a une opération de marketing de soi qui est plus perceptible selon moi.
Quand j’ai la chance de croiser des ados et qu’ils me disent qu’ils n’aiment pas lire, je leur fait remarquer que leurs interactions (facebook, twitter, textos…) passent déjà par la lecture et bizarrement, ils sont moins frustrés d’ouvrri un bouquin, donc je pense que le numérique peut changer la vision de la lecture chez les jeunes, pour le mieux comme pour le pire (syndrome du mp3)
pour ce qui est de l’auto édition comme baisse de la qualité, c’est à craindre mais le marché tend à se réguler et à récompenser les articles de bonne qualité, créant ainsi un cercle vertueux, parfois…
Pour ce qui est des drm, j’en sais rien.
Enfin je suis autant liseuse (ma tablette) que papier parce que les deux ont leur avantage. Par contre tout livre qui finit sur ma table de chevet est papier, pas d’écran dans la chambre!

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Pour l’édition je peux vous donner un peu de vision, considérant que c’est un peu là dedans que nous avons monté notre boite.

Le livre effectue bien sa migration, parfois très proche de celle de la musique mais avec plusieurs années de retard. Pour autant l’objet a une histoire plus forte. Je ne verrai probablement pas la mort du papier de mon vivant.

S’il y a une révolution possible, c’est plutôt celle du glissement de l’objet « livre » vers des sites et documents web. L’arrivée du numérique est un bousculement énorme côté B2B, mais côté utilisateur c’est une non-révolution. Les gens y sont, ou n’y sont pas, mais ça leur semblera normal et naturel dans les deux cas.

Par contre :

  • Peu probable que ça donne plus ou moins le goût de la lecture. Ca peut relancer certains qui ont abandonné la lecture pour des raisons pratiques (typiquement le cadre sup 30 ans en transport en commun) mais les gens ne vont pas lire juste parce que c’est en numérique. L’usage est différent de celui de la musique, on ne « picore » pas de la même façon.
    Mais attention : Les nouvelles générations, contrairement à la légende, lisent beaucoup peut être plus que les générations précédentes. Elles ne lisent par contre pas la même chose, peu de livres, peu de presse, mais beaucoup en ligne.

  • L’auto-édition il y a du très bon comme du très mauvais, comme l’édition tout court. Les bestsellers d’aujourd’hui sont parfois très mauvais (je me rappelle l’Art français de la guerre, Goncours, qui était bourré de fautes et qui a été corrigé par des équipes de pirates avant d’être partagé en P2P).
    L’auto-édition c’est 40 à 60% du TOP numérique d’Amazon aujourd’hui aux US. Les 50 nuances de Grey dont tout le monde parle, ça a cartonné en auto-édition avant qu’un éditeur ne rachète.
    Le problème n’est pas tellement la qualité, mais la sélection, le changement de paradigme, et plein d’autres considérations sociales.

  • L’électricien indépendant est-il un entrepreneur ? Celui qui produit son groupe de rock dans son garage et en édite un CD sans label ? Même questions pour moi.

  • Il faudrait que je vous raconte des choses… mais globalement les DRM coûtent très cher à tout le monde (encore plus que vous ne le pensez), ne servent à rien contre le piratage organisé, et sont un frein énorme à l’arrivée du numérique et aux ventes (mais alors énorme, même pour ceux qui ne savent même pas ce que c’est).

  • Je suis dans une position délicate pour parler du prix du livre numérique, mais la vision des éditeurs c’est environ 25 à 30% de rabais à partir du prix papier. Reste que tous ne le font pas, et que parfois ça ne suit pas le prix du poche (qui lui même est 30% en dessous du prix du grand format)

  • Plus liseuse, assurément. Je peux me balader avec ma liseuse tous les jours dans ma poche, la sortir quand j’ai 5 minutes de libre, ne jamais perdre mon marque page, sans problème de poids, et en ayant toujours un ou deux livres d’avance. Ca a totalement changé mon rapport au livre, mais essentiellement pour des questions pratiques.

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J’avais parlé dans un autre topic de l’excellent APE de Guy Kawasaki : Author, Publisher, Entrepreneur

Je pense que ça répond à ta question :wink:

Bonjour Eric,

Merci de votre réponse très complète.
Je n’ai pas beaucoup de connaissance sur les DRM, je pensais que c’était juste un morceau de code qui empêchait de copier, coller, le fichier trop facilement?
Pourquoi cela coûte cher?
Merci d’avance.

Pour être plus exact, rien n’empêche de le copier. Le DRM c’est juste de la crypto, avec pour objectif d’empêcher de lire (pas de copier). Seul celui qui a la clef peut relire, et on s’assure juste que ce dernier respecte bien les droits prévus (c’est à dire savoir si on a le droit de faire du copier/coller, combien d’appareil, etc.).

Le DRM le plus répandu sur le livre numérique est détenu par Adobe. C’est à dire que pour relire un livre sous ce DRM il faut utiliser le moteur de lecture Adobe et uniquement celui là (puisque lui seul à la clef de relecture, et les droits de propriété intellectuelle qui vont avec).

Prix public :

  • Le côté serveur (pour celui qui distribue le livre) : environ 20K$/an + 20¢/vente
  • Le côté client (pour celui qui veut lire le livre) : environ 50K$/an et par application (jusqu’à trois plateformes d’une même application partagent heureusement la même licence, genre Windows + iOS + Android)

Donc pour quelqu’un qui fait toute la chaîne c’est déjà 70K$/an + 2.5% du CA variable (en considérant 8$ moyen par livre, en France c’est plus que ça). Sachant que le libraire a grosso modo 25% à 30% de commission, c’est 70K€ + 10% de la marge. Bien entendu il faut ajouter le temps pour réussir à utiliser et intégrer le moteur de lecture d’Adobe dans une application (et pour le dire vite : ce qui est livré ne compile même pas tel quel sans correction).

Mais c’est pire que ça, parce que le DRM fait perdre des clients et des ventes. Je ne peux pas partager ces chiffres là, mais rien que eux feraient fuir n’importe quel e-commerçant normalement constitué.

Et bien entendu il suffit de 2 minutes sur Google pour trouver des outils qui cassent ce DRM, même pour des néophytes.

Ca donne envie hein ?

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Merci pour cette réponse complète.
Effectivement, ça donne envie… et surtout ça n’a pas beaucoup d’intérêt, à part pour celui qui vend le DRM.

Oui. Et encore plus aujourd’hui qu’il y a quelques années.

Publier un livre, c’est travailler sur un produit (littéraire ou guide pratique), le diffuser sur différents canaux, et travailler sa promotion, à travers différents sites et des partenaires.
N’est-ce pas la démarche d’une start-up ?

Aux Etats-Unis, plusieurs auteurs comme Steve SJ Scott, ou Pat Flynn sont des professionnels de l’auto-édition, et ne font pas mystère de leurs revenus :

  • Élément Plus de 9000 $ par mois pour Steve SJ Scott, avec une vingtaine de livres autour des « good habits »

  • Élément Plus de 2000 $ par mois pour Pat Flynn, avec un livre où il retrace son histoire.

Mais ce ne sont que des exemples.

En France, et à ce titre, j’aime particulièrement le blog d’Olivier Morel, publiersonlivre.fr, qui cherche à évangéliser sur l’auto-édition et à pousser plus d’auteurs à publier en auto-édition. Il est très transparent sur les revenus des auteurs, et les techniques utilisées pour réussir la publication de son livre.
Lisez notamment son avis sur l’auto-édition (très orienté business) et son article phare sur les piliers des auteurs à succès : https://publiersonlivre.fr/vendre-plus-de-livres-et-avoir-plus-de-lecteurs-les-3-piliers-de-lauteur-a-succes/

J’aime beaucoup l’auto-édition, et je serais ravi que l’on en parle plus.