Encore un cas de création d'entreprise en France depuis l'étranger

Bonjour à tous,

Des éléments pour poser le décor.

Avant le 1er janvier 2018. Chercheur en économie depuis 6 ans, je m’apprête à me mettre au chômage en vue de réaliser un rêve: créer ma boite. Les AREs seront un bon moyen d’y parvenir me dis-je, et il semble que les politiques visant à promouvoir l’entrepreneuriat sont nombreuses dans ce pays.

Le 1er janvier 2018. Je suis sans activité et inscrit au chômage le 8 janvier. Les trois mois suivant, je remplis mes engagement vis-à-vis de Pôle Emploi (PE), i.e. RDVs, mise à jour de situation sur le site de PE, participation à des ateliers, en l’occurrence des ateliers « Création d’entreprise ».

Le 1er avril 2018: Je déménage en Suède (pour suivre ma partenaire de vie qui y a trouvé un CDD) et n’ai toujours pas touché mes trois premiers mois d’ARE car mon assureur chômage (qui n’est pas PE) s’est emmêlé les pinceaux.

D’avril à Juin 2018. Je créé ma société depuis la Suède. Je tire d’office un trait sur toute aide à la création d’entreprise. Cette création est compliquée car ma situation de « créateur distant » n’est pas intégrée par les systèmes d’information (SI) auxquels je fais face sur Internet. Peut-être était-ce là un signal d’arrêt (?) Quoiqu’il en soit, je persiste et fais appel par téléphone à une assistante formalité du CFE pour, entre autre, remplir le formulaire M0. Pour cette dame, totalement au fait de ma situation, rien n’est anormal dans ma requête. Lieu d’exercice d’activité mentionné par cette personne sur le formulaire: « Par internet ». Ça m’a coûté 60€. Malgré cela, mon dossier est rejeté une première fois. Ça passera la seconde fois.

Le 4 Juillet 2018. Ma SASU naît (domiciliée en France, à Paris). Je paie un service comptable 80€ HT par mois en vue de faire la paie, d’interagir avec l’Urssaf, la retraite, le fisc. Au fait de ma situation (de dirigeant de SASU résidant en Suède) mon service de comptabilité (SC) initie « les canaux » entre ma société et les organismes d’état. Je commence à cotiser/payer.

Fin Juillet 2018. Je reçois les 3 mois d’ARE. Mentalement engagé (durant cette première partie d’année) par la création de l’entreprise, mes finances personnelles qui fondent à vue d’œil et la finalisation d’une thèse en économie (que je finance via mon activité), je réalise que j’ai laissé passer la possibilité d’exporter 3 mois d’ARE en Suède. Pour cela il aurait fallu que je me manifeste au service Suédois compétent lors de ma première semaine dans le pays, soit la première semaine d’Avril. Sans rétroaction possible, cet argent est définitivement perdu.

Fin 2018. Bien qu’il me paraisse difficile depuis la Suède d’en profiter, ma société paie la taxe professionnelle et d’apprentissage. Aussi, comme j’ai tout fait passer en salaire (en vue d’être protégé aujourd’hui et demain), IS nul. Quant à « moi » en tant que français non-résident fiscal, mon seul revenu est celui de mon travail, i.e. mon salaire dans le cadre de ma boite, et j’ai pu payer l’impôt par une retenue à la source pour la première fois (ne pas confondre « retenu à la source » et prélèvement à la source). Je fais un ptit calcul pour m’amuser: lorsque la boite gagne 1€, je gagne 0.43€ après totale fiscalisation.

Début mars 2019. En me rendant sur assure.ameli.fr, je constate que je n’ai aucun droit à l’assurance maladie car je vis en Suède. C’est étonnant car je cotise autant qu’il est possible de le faire. Surtout que j’ai mal à une dent. Ce n’est pas une carie: c’est une dent fracturée par stress excessif me dit-on. Sur ce le même jour je contacte la CPAM, à plusieurs reprises, car à plusieurs reprises mon interlocuteur ne comprend pas ma situation… il n’arrive pas à me faire rentrer dans son « logiciel ». Quand on ne me raccroche pas au nez – pour ainsi dire --, j’ai le droit à:

"Quoi? Mais vous êtes détaché? Non ? Expatrié alors? Vous êtes a fortiori l’un des deux. Ah! mais si vous m’appelez en tant qu’employeur, je ne peux pas vous aider. Je vous redirige. Patientez SVP. (La🎵 La🎵 La🎵) Oui bonjour […] Quoi, mais vous appelez en tant que cotisant? Je ne peux pas vous aider […]!

Cela pendant des jours. Le 8 mars, J’ai finis par avoir une dame, agile et à l’écoute qui m’explique qu’il me faut faire et envoyer un dossier d’affiliation de rattachement au régime général à la CPAM du lieu de domiciliation de mon entreprise. Ce dossier consiste en {Formulaire 750, RIB, derniers bulletins, pièce d’identité}.

Aux environ du 8 avril 2019. Je reçois une réponse négative. On m’y explique ce qui suit:

Des éléments portés à ma connaissance, il ressort que vous exercez votre activité professionnelle en France et en Suède.
Conformément aux dispositions de la réglementation européenne, il appartient à l’organisme compétent du lieu de votre résidence de déterminer la législation applicable à votre situation et par conséquent le pays où doivent être versées vos cotisations sociales. A cet effet, je vous invite à contacter :
Skatteverket i Malmö
Utlandsskattekontoret
SE 205-31 Malmö
99104 Suède
afin qu’il (elle) procède à l’étude de votre situation et qu’il (elle) vous notifie sa décision. Il conviendra de joindre les photocopies des documents justificatifs de vos activités exercées dans chaque Etat ainsi que le questionnaire « détermination de la législation applicable » ci-annexé.

Le document ci-annexé est truffé d’ambiguïtés car il n’implique que des situations de non-salarié OU de salarié, aucunement d’assimilé salarié. J’ai depuis appris qu’en tant que dirigeant de SASU, j’étais salarié au sens de la protection sociale mais non-salarié au sens du droit du travail (car je n’ai pas de contrat de travail). Je rappelle la CPAM plusieurs fois. Je finis par tomber sur la même dame compétente qui, à la vue des atypies que je cumule, fait une réclamation afin que le technicien qui s’est occupé de mon dossier me rappelle dans les 72 heures ouvrées. Ca fait presque trois semaines, on ne me rappellera pas a priori.

Entre temps. J’ai appelé l’URSSAF (moins de fois que la CPAM :slight_smile: ) et suis finalement tombé sur une dame qui, dans son infinie sagesse, s’est exclamée

Quelle idée d’avoir créer une entreprise en France aussi (!)

Le fait est que je suis Français, que je ne vis en Suède que de manière temporaire (mon amie y a un CDD), et que la France sera toujours le centre de gravité de mes activités, qu’elles soient personnelles ou professionnelles. Je ne suis pas marié, et suis susceptible d’être « plaqué » demain. Je ne vais pas créer des boites partout où je vais quand même, si (!?)

Appelez le Centre de Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale C.L.E.I.S.S ! Je ne peux pas vous aider.

26 Avril 2019. J’ai donc appelé le CLEISS. On m’a confirmé l’idée selon laquelle je relevais très probablement du régime Suédois de protection sociale. Ce qui est clairement problématique, car je ne dispose pas des ressources pour cela: (i) mon service comptable est en France et ils ne savent pas faire de fiche de paie Suédoise, sans parler des interactions que cela implique avec les services Suédois concernés, (ii) je ne parle pas Suédois et (iii) je n’ai pas les moyens financiers de migrer ma gestion d’un système national à l’autre. De plus, je comptais demander le statut JEU pour 2018 (car j’ai financé ma thèse via mon activité de programmeur, soutenue fin 2018 à Paris), et le statut JEI ou JEU pour 2019 car je fais de la recherche et compte valoriser/publier les travaux conduits dans le cadre de ma thèse, dans les domaines de la statistique (classique) et de l’intelligence artificielle. Il me faut cotiser en France.
Mon interlocutrice du CLEISS m’a expliqué que je pouvais faire une dérogation afin, in fine, de m’auto-détacher… mais que cela semblait compromis car j’ai créé ma boite (certes française) directement depuis la Suède et n’ai donc aucune activité antérieure en France, caractérisante d’un détachement.

Ce serait donc la fin du chemin pour ma boite. Même si j’ai des clients, je ne roule pas sur l’or car/et je fais énormément de R&D, clairement ma situation est sous-optimale sur le plan fiscal: (i) je suis prélevé de toute part, bien souvent pour contribuer à des systèmes dont je ne peux pas bénéficier (ii) les coûts de gestion exploseraient si je devais cotiser en Suède (iii) ma SASU n’est éligible à aucune aide que ce soit côté Français (car activité conduite en Suède) ou Suédois (car société domiciliée en France). Mes finances personnelles sont exsangues. Je travaille 80h par semaine. J’ai des clients. Je suis jeune et ne coûte rien au système de santé, ni au chômage, duquel je n’ai pas pu profiter. Le système Français opère une redistribution lourdement négative à mon encontre. Ça me fait vraiment bizarre de dire ça mais…: ma situation n’est-elle pas objectivement injuste?

Comment puis-je m’assurer d’obtenir cette dérogation? Que puis-je faire sinon? Si ce que je raconte caractérise un quelconque préjudice, qui dois-je attaquer? L’Etat ? Quelle entité administrative endosse à elle seule la responsabilité d’avoir généré ma situation? Devrais-je simplement accepter l’idée selon laquelle je n’avais qu’à être au courant ?

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Bonjour,

Plutôt, oui.

Et naturellement à aucun moment on n’a eu l’idée d’aller voir un avocat ayant des notions de droit communautaire et/ou de droit de la sécu. gif

C’est bien connu les conseils c’est cher et ça sert à rien et on trouve tout ce dont on a besoin gratos sur les internets. zedlefou

Bon… Nature de l’activité ?

Elle est exercée en Suède ou en France ?

Votre amie est en Suède pour un CDD de quelle durée ?

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Bonjour Monsieur Billette,

Merci pour votre écoute et retour.

La nature de l’activité est libérale (programmation informatique (Code NAF 6201Z)).

Mon activité est exercée en Suède. Et même si je sais que ça ne signifie rien juridiquement, c’est plus fort que moi: mon activité est virtuellement en France, ma clientèle est à 100% en France et j’interagis avec elle via, e.g. Skype.

Mon amie est en Suède pour un CDD de deux ans qui se termine le 24 Septembre 2019. Avec reconduction éventuelle de 2 ans. Mais rien n’est sûr.

Hé oui… mais en fait non.

L’activité est en Suède.

En ce cas vous dépendez de la sécurité sociale suédoise car l’activité a été créée en Suède.

Si elle avait été créée en France et que vous étiez parti en Suède ensuite pour deux ans maxi, la situation aurait été différente ; vous auriez été travailleur détaché - les règles sont similaires pour salariés et indés.

Mais là ce n’est pas le cas, vous êtes expatrié…

Du coup, me confirmez vous que je devrai(s) cotiser en Suède, mais payer mon impôt sur le revenu en France ? Curieux non?

En soi non.

Bonjour @ncvujo de ce que je lit : pourquoi tu t’embête avec une SASU ?

Si je comprend bien tu développe des programmes informatiques pour tes clients en France depuis la Suède. C’est bien cela ?

Dans ce cas tu peux clore ta société. Et ensuite rejoindre une entreprise de Portage Salariale ou une CAE (Coopérative d’Activités et d’Emplois).
Comme cela tu seras salarié de droits français expatriés en Suède. Tu rentreras dans les cases des administrations Françaises et Suédoises et tu n’auras pas à gérer la partie administrative/fiscale/comptable/juridique de ton entreprise. :slight_smile:

Qu’en penses-tu ?
Pierre

En clair exactement la même situation que la situation actuelle. Donc je… non, rien.

Accessoirement pour trouver une boîte de portage salarial qui accepte de tremper là-dedans, je… non, pareil, là encore, rien.

@VincentB oui la même situation en tant que salarié mais pas en tant que dirigeant d’entreprise. :slight_smile:
De toute façon la situation actuelle est vraiment complexe car @ncvujo ne rentres dans aucune case.
La prochaine fois que tu feras un montage international comme cela pense à faire appel a un avocat.

Pierre

Sauf que comme je le dis plus haut les règles pour la détermination du régime national de sécu sont les mêmes. CQFD.

Même sans montage international il faut faire appel à un avocat. gif

Il faut toujours faire appel à un avocat. gif

Toujours. gif

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Sous-optimal. Le portage salariale est beaucoup trop cher. Aucun ne prenait en charge sans sur-coût une situation d’expatrié. Aucun n’internalisait non plus l’interaction avec les organismes étrangers. Sans parler du fait que la partie administrative/fiscale/comptable/juridique m’intéresse. :slight_smile:

De plus, après calcul, je n’ai toujours pas perdu plus d’argent que si j’avais fait appel à un avocat, e.g. les aides je n’y aurais pas eu droit, etc… Peut-être que cela va changer.

Et puis, sachez que j’ai fais mon deuil: je vais cotiser en Suède. Apprendre ce qu’il y a à apprendre. Il se trouve que les cotisations sont sensiblement plus faibles que ce que je pensais, les aides (non-financières) nombreuses, etc… La Suède quoi! Leur système fonctionne tellement bien, c’est assez fou.

Conclusion: (i) mon patriotisme économique a pris un sacré coup et (ii) oui! toujours faire appel à un avocat :wink:

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